Journée mondiale de l'eau 2020 : l'eau et le climat (interview)
Depuis près de 30 ans, la communauté internationale célèbre l’eau le 22 mars et sensibilise à la situation des 2,2 milliards de personnes qui vivent sans accès à de l’eau salubre. La Journée mondiale de l'eau 2020 portait sur l'eau et le changement climatique, et sur les liens indissociables qui existent entre eux.
A cette occasion, AQUASSISTANCE a recueilli le témoignage de Ludovic Arnout, Coordinateur Eau Hygiène et Assainissement en Asie du Pacifique de La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), basé à Kuala Lumpur en Malaisie.
Résidant au Laos, Ludovic travaille pour des Organisations de Solidarité Internationale depuis plus de vingt en tant que conseiller technique WASH (Water Sanitation Hygiene) et coordinateur projet pour des programmes d’urgence ou de développement en Asie (Myanmar, Cambodge, RDP lao, Indonésie, Vietnam, Thaïlande, Philippines, Îles Salomon, Vanuatu, Nouvelle-Calédonie).
Membre d’AQUASSISTANCE, il est engagé bénévolement dans le Comité Technique et sensibilise depuis 2016 nos bénévoles à la promotion de l’hygiène au travers des formations.
Quels impacts du réchauffement climatique as-tu pu constater sur le terrain ?
Le réchauffement climatique a pour effet d’intensifier le cycle de l'eau.
A mesure que la température de l'air augmente, l'eau s'évapore plus. Plus d’eau évaporée conduit à des pluies torrentielles et donc des inondations. En parallèle, le réchauffement de l’air conduit aussi à plus de sécheresse, causant des pénuries d’eau et amenant des populations à consommer des eaux insalubres. Les conditions météorologiques extrêmes sont donc plus courantes et les inondations, les tempêtes et les sécheresses deviennent plus fréquentes, c’est une crise climatique.
Ce que l’on voit clairement sur le terrain c’est une augmentation de la fréquence, du type, et de l’intensité des désastres en Asie Pacifique. Près de la moitié des 281 catastrophes naturelles dans le monde se sont produites en Asie et dans le Pacifique et la région a connu 8 des 10 catastrophes naturelles les plus meurtrières . En 2018 par exemple, il y a eu de multiples incidences d’inondations en Afghanistan, en Chine, en Corée du Nord, en Inde, au Japon, au Laos et dans d'autres pays. Le nombre de personnes touchées en raison de catastrophes naturelles est également à la hausse. Entre 1970 et 2018, avec 60% de la population mondiale, la région Asie-Pacifique (AP) comptait 87% de personnes touchées par des catastrophes naturelles.
Comment s’intègre cette nouvelle donne dans l’action des ONG et notamment de la FICR ?
Les changements climatiques représentent pour l’humanité un risque important qui a déjà des conséquences sur presque tous les aspects de notre travail, y compris la santé, le logement, les moyens de subsistance et la réduction des risques de catastrophe. Ils contribuent à accroître la fréquence, l’intensité et l’imprévisibilité des catastrophes et autres menaces, et devraient, selon les prévisions, accélérer les déplacements vers les régions à forte densité de population. Leurs conséquences pourront devenir plus complexes, aggravées par la pauvreté, les maladies, les déplacements et les conflits. Elles pourront en outre, sous les effets combinés de l’urbanisation et de la croissance démographique, exercer une pression accrue sur des ressources naturelles rares, notamment sur la demande en nourriture et en eau.
L’homme doit changer les comportements qui contribuent aux changements climatiques et s’adapter aux risques qu’il a créés et qu’il créera à l’avenir. Notre rôle, qui consiste à répondre aux besoins des personnes vulnérables touchées par les changements climatiques et à attirer l’attention sur ces besoins, sera de plus en plus important. Nous devrons nous préparer et anticiper les événements, qu’il s’agisse de situations d’urgence locales ou de mégacatastrophes, de phénomènes prévisibles ou de catastrophes imprévues. Nous devons également davantage concentrer nos efforts sur l’atténuation de la vulnérabilité humaine aux conséquences à long terme des changements climatiques qui menaceront le développement, la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et la sécurité de l’eau.
Quelles pistes les acteurs du WASH peuvent-ils emprunter pour essayer d’atténuer cette vulnérabilité au changement climatique ?
Parmi de nombreuses pistes, l'amélioration des pratiques de gestion de l'eau peut contribuer à accroître la résilience climatique, à améliorer la santé des écosystèmes et à réduire le risque de crises liées à l'eau. La capture de l'eau de pluie est particulièrement utile dans les régions où la répartition des précipitations est inégale pour renforcer la résilience aux chocs et assurer l'approvisionnement pendant les périodes sèches. Aussi, les ressources en eau non conventionnelles, telles que les eaux usées traitées, peuvent être utilisées à des fins d'irrigation.
Par exemple, dans la région de montagnes du Nord-Ouest du Laos, nous avons mis en œuvre une Approche Multi Usages de l’Eau (AMUE) par l’installation d’un petit système gravitaire pour l’eau non-potable : une véritable solution intégrée pour développer le potentiel agricole de ce village de montagne tout en préservant la ressource en eau potable existante. Il s’agit également d’avoir un impact sur la santé en intégrant dès le début du projet la problématique de l’assainissement et de l’hygiène. Ceci peut être mis en œuvre en prenant en compte dès le départ les besoins en eau domestique (douche, lavage du linge) et en mettant en place des infrastructures d’assainissement qui peuvent être conçues pour permettre la réutilisation des eaux usées.
L’approche multi-usages peut être vue comme une opportunité d’introduire des pratiques nouvelles qui contribuent à une gestion de l’eau mieux raisonnée (collecte d’eau de pluie, utilisation de l’urine comme fertilisant, traitement et réutilisation de l’eau domestique).
Pour un village, une telle approche permet d’assurer une meilleure résilience pour faire face aux évolutions à venir, que ce soit la diminution de la ressource en eau potable, l’irrégularité et l’imprévisibilité de la pluviométrie, les variations démographiques du village mais également les problèmes liés à la contamination bactériologique ou chimique de l’eau (pesticides, herbicides...).
Chiffres clés :
• Aujourd'hui, 1 personne sur 3 - environ 2,2 milliards - vit sans eau potable. (OMS / UNICEF 2019)
• D'ici 2050, jusqu'à 5,7 milliards de personnes pourraient vivre dans des zones où l'eau est rare pendant au moins un mois par an, créant une concurrence sans précédent pour l'eau. (UNESCO 2018)
• L'approvisionnement en eau et l'assainissement résilients au climat pourraient sauver la vie de plus de 360 000 nourrissons chaque année. (ONU 2018)
• Si nous limitons le réchauffement climatique à 1,5 ° C au-dessus des niveaux préindustriels, par rapport à 2 ° C, nous pourrions réduire le stress hydrique induit par le climat jusqu'à 50%. (UN Water 2019)
• Les conditions météorologiques extrêmes - dont la fréquence et l'intensité devraient augmenter en raison du changement climatique - ont causé plus de 90% des catastrophes majeures au cours de la dernière décennie. (UNDRR 2015)
• D'ici 2040, la demande mondiale d'énergie devrait augmenter de plus de 25% et la demande d'eau devrait augmenter de plus de 50%, principalement dans le secteur manufacturier, la production d'électricité et les ménages. (Agence internationale de l'énergie 2018 / UNESCO 2018)
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