Bangladesh - Evaluation de la situation des camps de Rohingyas avec PUI
Cet été, Aquassistance a mené une mission conjointe avec les équipes de Première Urgence Internationale pour évaluer la situation des camps de réfugiés Rohingyas sur les thématiques de l’eau, de l’assainissement et de la santé afin de proposer un plan d’action adapté. Retour sur cette mission.
Le contexte:
En août 2017, plus de 700 000 personnes se sont réfugiées au Bangladesh en l’espace de quelques semaines, déclenchant l'une des crises humanitaires à la croissance la plus rapide au monde (https://www.unocha.org/rohingya-refugee-crisis). Les réfugiés Rohingyas ont été forcés de quitter la région d’Arakane au Nord de la Birmanie pour échapper aux meurtres de civils, incendies criminels, viols et autres atrocités.
Si l’écho médiatique de cet évènement est récent, la problématique de persécution de la minorité Rohingya en Birmanie existe depuis plus de 50 ans, et des milliers de personnes sont venues trouver refuge au Bangladesh voisin. Fin 2016 déjà, une vague de violence amenait des dizaines de milliers de Rohingyas à fuir dans la région méridionale de Cox’s Bazar.
En Juillet 2018, 1,3 million de personnes sont dans le besoin (incluant les réfugiés ayant fui la Birmanie ainsi que les communautés hôtes locales). La population des réfugiés Rohingyas au Bangladesh est composée majoritairement d’enfants (55%) selon l’UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). La concentration de réfugiés à Cox’s Bazar est parmi les plus denses au monde.
La mission
Première Urgence Internationale (PUI) est une association de solidarité internationale qui vient en aide aux populations victimes de crises humanitaires. Elle est présente sur le terrain depuis novembre 2017 pour la gestion des camps 17 et 20, au sein du méga-camp de Kutupalong (qui regroupe au total plus de 650 000 réfugiés répartis en 20 camps).
La crise étant passée d'une phase d'urgence aiguë à une phase d'urgence stabilisée, PUI a décidé de monter une mission d’évaluation approfondie des besoins des réfugiés et des communautés hôtes (réfugiés des vagues précédentes, installés de longue date) en ciblant les zones où les besoins humanitaires sont prioritaires. PUI, dans une logique d’approche intégrée, a sollicité Aquassistance qui a joint 2 bénévoles à la mission, Thierry Maldonado et Valériane Fortin, pour renforcer l’expertise WASH (WAter, Sanitation & Hygiene).
La mission d’évaluation a eu lieu du 16 juillet 2018 au 2 août 2018, en pleine période de mousson, et s'est concentrée sur les besoins en matière de Santé et de WASH des camps d'Ukhia Upazila (camps de Kutupalong 17, 20 et extension du 20) et de Teknaf Upazila (22, 24, 25, 26 et 27)
Les constats principaux sont :
- Pour la partie Eau : Les besoins en eau ne sont pas encore couverts. En situation d’urgence, les standards sont de 15L/jour/personne; or dans certaines zones, seule la faible quantité de 4L/j/pers est disponible. Parmi les nombreuses installations d’approvisionnement en eau construites, un grand nombre ne sont pas en bon état de marche - bien que récentes - soit pour des raisons d’absence d’entretien, soit à cause d’une trop faible ressource en eau (mauvais emplacement) notamment en saison sèche. Enfin, il y a une importante problématique de qualité de l’eau : on relève de forts taux de fer et manganèse, et surtout une contamination généralisée par les matières fécales.
- Pour la partie Assainissement, non seulement il manque encore des latrines par rapport au nombre de réfugiés, mais de nombreuses latrines sont affluentes à la ressource, et sont donc à l’origine de contamination des points d’eau. Par ailleurs, le traitement des boues de latrines est un enjeu sanitaire considérable.
- Pour la partie Hygiène, les groupes de discussion ont mis en évidence que les pratiques liées à l’hygiène sont encore problématiques. Selon les membres de la communauté, les pratiques de défécation à l'air libre sont encore courantes, bien que l’utilisation des latrines soit effective. De plus, l’utilisation des latrines semble source de malaise pour la population, notamment pour les femmes qui ne souhaitent pas être vues par les hommes. Les pratiques de transport et de stockage de l’eau laissent encore beaucoup de place à la contamination et malheureusement, les kits d’hygiène distribués aux populations sont parfois revendus pour payer le loyer (certains campements sont construits sur des terrains privés), des consultations médicales, acheter de la nourriture…
INTERVIEW: Thierry Maldonado, Bénévole Aquassistance
Valériane FORTIN, Mauricio TAUTIVA (Référent WASH PUI), Thierry MALDONADO
Face à cette situation préoccupante, comment la problématique de l’hygiène et la santé peut-elle être améliorée ?
En effet, c’est un sujet critique. Dans les camps visités, la contamination des points d’eau est en grande partie d’origine humaine (nous pouvions voir des personnes se doucher directement au niveau des pompes à main, faire leur vaisselle, les animaux roder autour…) ; le transport se fait avec des seaux pour la plupart non couverts et objectivement sales ; autour des stations de traitement des boues de vidange de latrines il n’y a pas de périmètre de sécurité et les enfants viennent jouer aux alentours des fèces collectées. Les résultats de nos prélèvements ont mis en évidence des contaminations par E.coli sur l’ensemble des points relevés (sur les points d’eau et dans les habitations).
La volonté de Première Urgence Internationale est de lancer des actions coordonnées sur l’eau, l’assainissement et la santé en incluant un volet formation et sensibilisation systématique à travers des méthodologies communautaires : réunion sectorielle, recrutement de locaux formés sur l’hygiène en relation avec les problématiques WASH (qui iront ensuite faire du porte à porte dans la langue Rohingya). Nous avons pu voir ce type d’actions à l’œuvre dans les camps 17 et 20. Dans le contexte des Rohingyas il est aussi nécessaire de sensibiliser les Majhees (chefs locaux).
La mission en elle-même avait une approche globale, il s’agissait en effet de réaliser une analyse sur l’eau et l’assainissement (Aquassistance) combinée avec la santé et l’hygiène (PUI). Je pense que cette approche avait beaucoup de sens car elle permettait de comprendre les situations en croisant les informations (les maladies étant essentiellement d’origine hydrique).
Comment se coordonnent les différentes ONG sur place, et quel a été votre accueil par celles-ci ?
L’organisation sur place est chapeautée au niveau stratégique à Dacca par l’UNHCR, l’IOM (Organisation internationale pour les migrations des Nations Unies), et le gouvernement du Bangladesh. Au niveau sectoriel, depuis Cox’s Bazar, Action Contre la Faim et l’UNICEF en plus du DPHE (Department of Public Health Engineering du Bangladesh) sont les coordinateurs et centralisateurs des actions des ONG sur les problématiques WASH et ce sur l’ensemble des camps. Nous avons été très bien accueillis par l’ensemble de ces acteurs en tant qu’Aquassistance (sous couvert de PUI). Toute initiative ou action est partagée au niveau des groupes de travail techniques se réunissant toutes les 2 semaines à Cox’s Bazar (cela permet de partager les bonnes pratiques et les enseignements tirés pour l’ensemble des acteurs).
Ainsi, nous avons pu participer à un atelier de travail sur le Plan de Réponse Humanitaire concernant les problématiques WASH organisé par l’UNICEF, assister à un benchmark des stations de traitement des boues fait par l’UNHCR, et échanger avec IOM, Action Contre la Faim, Solidarités, Oxfam et autres ONG sur le terrain.
La version publique de notre rapport va d’ailleurs être communiquée à l’ensemble des acteurs par PUI qui lancera obligatoirement ses actions en concertation avec ces entités par la suite.
Et quel a été l’accueil par la population sur place ?
L’accueil des « nouveaux » réfugiés (issus de la crise migratoire d’août 2017) et des « host communities » (réfugiés des vagues précédentes) a été remarquable étant donnée la situation de crise et les difficultés quotidiennes auxquelles ces populations sont confrontées. Sur le terrain, nous n’avons jamais ressenti de risques sécuritaires ; au contraire les personnes rencontrées nous ont aidés de façon volontaire et avec enthousiasme.
Quelles suites sont à prévoir suite à cette mission ?
La mission a permis de faire un état des lieux sur le domaine WASH dans l’ensemble des camps et de mettre en évidence différents manques à combler par priorité. Il ressort que la zone la plus vulnérable se situe dans le sud de la péninsule (la région de Teknaf) où le nombre d’ONG présentes est drastiquement plus faible que dans le « mega-camp » de Kutupalong et où les difficultés et besoins en eau, assainissement et santé sont les plus critiques. Dans les perspectives pour Aquassistance, aux côtés de PUI, les champs d’actions vont concerner l’eau, avec pour objectif d’aider à améliorer la quantité d’eau desservie et sa qualité, ainsi que de renforcer les capacités pour le suivi et la maintenance des ouvrages. Pour l’assainissement, il s’agira principalement d’aider à l’amélioration des réseaux de collecte et stations de traitement des boues.
A partir du rapport détaillé, PUI est en train de monter divers dossiers auprès de différents bailleurs pour soutenir ces diverses initiatives afin de répondre à cette situation de post-urgence. Ils ont également la volonté de préparer l’avenir de ces camps avec une perspective plus long terme en ciblant toujours la zone du sud, Teknaf.
A titre personnel, quel bilan fais-tu de cette mission ?
Le degré de misère des Rohingyas, la concentration exceptionnelle des réfugiés dans un milieu naturel hostile (surtout dans la péninsule de Teknaf dans le sud du pays) ainsi que l’effort acharné des ONG sur place - tâchant de combler un vide béant de prise en charge – font de cette crise un état de fait saisissant, poignant. Les besoins en WASH que nous avons été amenés à expertiser sont très forts et constituent une nécessité de survie. Dans ce contexte, j’estime qu’Aquassistance est totalement pertinente et légitime pour intervenir avec ses partenaires et soulager au mieux ces populations marginalisées.
Je remercie l’équipe permanente d’Aquassistance pour le support constant, le Comité Technique Opérationnel d’Aquassistance pour ses lumières, l’équipe sûreté du groupe qui nous a maintenus informés et avisés en amont et durant tout le séjour. Bien entendu je remercie très chaleureusement l’ONG Première Urgence Internationale avec qui nous avons vécu et travaillé main dans la main.
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